La thématique de l'aimant de destruction
- Jimmy Poorteman - Holycrabe
- 25 août 2020
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 sept. 2020
Vous l'avez surement déjà vue. Peu importe à quel point le.s héros se démène.nt pour sauver la situation, le monde refuse de leur accorder leur “ils vécurent heureux jusqu'à la fin des temps“. Il y a toujours quelque chose d'autre, un danger nouveau, qui vient menacer le monde.
C'est un trope qui revient fréquemment et qui sert notamment à justifier l'escalade des enjeux, de la difficulté et de la puissance des parties impliquées. Cette thématique s'exprime de plusieurs manières différentes, pour plusieurs raisons et avec des degrés de réussite différents. Un des exemples les plus connus se retrouve dans Dragon Ball Z. Sangoku réalise que sa présence sur la Terre en tant que plus grand guerrier de l'univers après avoir battu Freezer ne fait qu'attiser la curiosité d'autres puissants de l'univers, attirant tout d'abord Mécha-Freezer et son père King Cold, heureusement rapidement pris en charge par Trunks fraîchement débarqué du futur, puis par son frère, Cooler.
Devant ensuite affronter les cyborgs de l'armée du Ruban Rouge, il apprend que Cell, la supposée forme de vie ultime, a été créé en utilisant notamment des cellules issues de Freezer, mais aussi des Sayiens, dont la puissance augmente drastiquement lorsqu'ils survivent à une expérience de mort imminente. De ce fait, même après que Cell se soit auto-détruit, tuant Sangoku et détruisant la planète de Maître Kaio, survivant et parvenant à se reconstituer entièrement à partir d'une seule cellule, il revient sur Terre dans sa forme parfaite et finale, alors même qu'il ne contient plus C18, étant devenu bien plus fort grâce à cette expérience proche de la mort. Sangoku, persuadé que c'est sa présence sur Terre qui la condamne à rester au coeur de combats et la met en danger demande alors à ses amis de ne plus le ressusciter, espérant calmer la situation. De cette manière, Akira Toriyama avait la fin heureuse et paisible qu'il souhaitait pour la fin de son oeuvre.
Cependant, alors que l'auteur se rassied à sa table à dessins pour apporter un arc supplémentaire, il apparait que les ennemis viennent toujours (et ça sans même compter les OAV de Broly, Bojack, Hildegarn etc). Babidi est même attiré sur Terre dans sa quête d'une grande puissance pour accélérer la renaissance de Majin Bou. La planète est donc une fois de plus mise en danger et l'humanité finira même par presqu'entièrement disparaître avant que la planète ne soit détruite. Et depuis 2013, alors qu'un vent de renouveau soufflait sur la franchise, c'est à nouveau un thème récurrent. Freezer revient après une longue régénération et souhaite se venger, puis Beerus, le dieu de la destruction entend une prophétie selon laquelle un Super Sayian Divin apparaîtra devant lui comme formidable adversaire, ce qui pique la curiosité de Beerus qui trouve son quotidien morne et souhaite simplement voir cet adversaire qui doit lui opposer de la résistance.
Une chose est sûre, la planète Terre du monde de Dragon Ball n'est pas près de trouver la paix.
Etre à l'origine de ses ennemis
On peut également trouver un autre cas chez Batman par exemple, souvent accusé d'entretenir l'insécurité à Gotham en appliquant sa règle l'empêchant de tuer. Vous pouvez ajouter à cela le fait qu'en tant que l'un des plus grands justiciers de l'univers de DC Comics, bon nombre de méchants sont attirés à Gotham à cause d'un contrat sur sa tête. Deathstroke par exemple est souvent engagé pour éliminer Batman, mais parfois, il agit également par sens du défi, estimant que le fait d'être le mercenaire qui aurait battu la chauve-souris serait un objectif qui satisferait son ego suffisamment.
Ce cas d'être à l'origine de ses propres antagonistes se retrouve très littéralement dans la version du film de 1989. Ici, Batman joué par Michael Keaton pousse Jack Napier, un membre haut placé d'une organisation mafieuse, joué par Jack Nicholson, dans une cuve remplie de produits toxiques. Que ce soit par la douleur ou un quelconque effet que les composants chimiques aient pu avoir sur le cerveau de Napier, il s'efface, pour laisser place au Joker. Et ce cas de générer son adversaire remonte encore plus loin dans ce film, puisque c'est Napier qui, alors qu'il n'était qu'un gangster de bas étage, avait tué Thomas et Martha Wayne.
On retrouve également cette mécanique au travers du scénario de Batman Arkham Origins. Il s'agit d'un épisode se situant avant les autres jeux de la série, à une époque où Batman n'est encore qu'une légende urbaine, que la police ne travaille pas encore avec lui et cherche même à l'arrêter, notamment car il brise le statu quo qui existait auparavant. Les flics normaux corrompus travaillent avec les criminels normaux, racketteurs, braqueurs, cambrioleurs, etc, membres d'organisations criminelles ordinaires, le gang de Maroni, de Falcone, du Pingouin, de Black Mask. Les deux derniers sont déjà un cran au-dessus en terme d'originalité, mais il reste qu'ils dirigent des organisations criminelles qu'on peut qualifier de normales. Puis arrive Batman dans l'équation, qui met à mal les criminels, ainsi que les policiers corrompus, ce qui du coup ne fait les affaires de personne. Et dans un phénomène de symétrie presque naturel, naît le Joker, le premier de ce qu'on désignera parfois comme les “super criminels“. Dans cet univers-ci, le Joker n'a pas d'antécédents, mais il arrive après avoir enlevé Roman Sionis, Black Mask, et s'être fait passer pour lui afin de recruter 8 assassins de renommée mondiale pour se débarrasser de Batman ; Bane, Copperhead, Shiva, Firefly, Killer Croc, l'Electrocuteur, Deadshot et Deathstroke. Ces assassins étaient déjà des super-criminels avant, mais n'avaient aucune raison de venir à Gotham se frotter à Batman.
Que ce soit par appât du gain ou esprit du défi, ces individus font pourtant le déplacement, ce qui crée la première d'une longue série de nuits de chaos à Gotham. La présence de Batman, une nouvelle carte dans le jeu et une nouvelle force au service de la justice, donne lieu à la naissance de cette Gotham, une ville dans laquelle on ne craint plus seulement de se faire braquer ou agresser, mais bien que sa maison explose ou ne s'effondre, prise entre deux feux par une folle poursuite entre une voiture suréquipée et un pyromane volant.
Cet autre trope, est alors connu comme celui du sauveur-destructeur, qui est un phénomène très courant chez les super-héros. Forcément, lorsque vous affrontez des méchants capables de tirer des lasers ou qui ont les moyens de lancer des missiles, il y a de la casse, et votre victoire ne l'annule pas pour autant. On retrouve par exemple cela abordé dans l'album Batman : White Knight, dans lequel un Joker recouvrant sa santé mentale mène une guerre d'image et politique contre un Batman qui perd le contrôle. Le Joker, évoluant alors sous l'identité de Jack Napier, arrive donc à se faire élire comme maire de la ville, utilisant notamment la frustration des petites gens qui en ont assez de voir Batman ne laisser que destruction dans son sillage, l'accusant au final de n'être qu'un moindre mal, et que s'il voulait vraiment arrêter les criminels de Gotham, alors il lui suffirait de procurer à la police le matériel et les technologies qu'il a en sa possession.
C'est une situation qu'on rencontre également beaucoup dans le MCU, en particulier à partir de l'Ere d'Ultron. Auparavant, intervention rimait avec destruction, les Avengers ne faisant pas dans la dentelle. Mais ce trope se fait en particulier remarquer juste après ce film, dans Captain America Civil War. Malgré la course poursuite avec Zeemo, Bucky, Captain et Tony, le contexte du film est chargé de questions à portée politique. Suite à des opérations s'accompagnant de grands dégâts, l'une d'entre elles en particulier a comme résultat la mort d'un grand nombre d'habitants du Wakanda, un pays qui quitte son autarcie et essaie de s'ouvrir vers le monde. Ajoutez à cela les questionnements personnels de Tony Stark qui vient à rencontrer une ancienne mère, dont le fils était parti aider les plus démunis en Sokovie, alors même qu'Ultron tentait de faire s'envoler la capitale afin qu'elle s'écrase, soulevant un nuage de poussière à l'échelle planétaire afin d'éradiquer l'espèce humaine (et sans doute un paquet d'animaux aussi). Le jeune garçon est mort écrasé, tout comme la famille de Zeemo, pris dans le tumulte des héros, qui ont ensuite quitté la région et sont rentrés chez eux à la base du SHIELD en se donnant de grandes tapes dans le dos, satisfaits quant à leur devoir accompli. La Sokovie, que dis-je, le monde est sauvé, hourra!
Pour en finir, posons-nous le véritable dilemme qui entoure cette thématique. Le monde serait-il plus en sécurité sans ces héros? Les menaces planétaires constantes qu'ils semblent indubitablement attirer vers eux sont-elles le prix à payer pour la paix, au moins tant qu'elle dure? Sont-ils un mal nécessaire, ou juste un mal tout court?
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