Pourquoi oublie-t-on les séries ?
- Jimmy Poorteman - Holycrabe
- 5 oct. 2020
- 4 min de lecture
Présentes dans le divertissement depuis des décennies maintenant, les feuilletons et séries occupent une part parfois plus importante que le cinéma lui-même sur nos écrans. Pourtant, là où certains films sortis il y a de nombreuses années sont toujours aujourd’hui considérés comme des classiques et appréciés en dépit de leur âge, il est beaucoup plus rare de tomber sur quelqu’un dont le hobby est de regarder des séries des années 80.
Il y a quelques mois, je finissais la saison 3 de Stranger Things. Beaucoup mieux que la saison 2, celle-ci jouait bien sur l’attrait actuel des gens pour les esthétiques néons et un peu rétro sur lesquelles la série s’est construit son identité dès la première saison.

Mais malgré le succès critique et commercial de la série, est-ce qu’on s’en souviendra seulement d’ici 5 ou 10 ans ? Est-ce qu’un jour, un prof dans une école de cinéma ira parler de cette période où les gens adoraient les synthés et les néons et à quel point Stranger Things a été une œuvre clé dans la représentation de cette ambiance ? Il y a en réalité peu de chances et je pense qu’on parlera plus facilement de Kung Fury que de Stranger Things, alors que la série a pourtant eu une portée plus large.
Et ce n’est pas récent pour autant. Beaucoup de films des années 80/90 sont considérés comme des classiques au sein de leurs groupes alors que les séries de l’époque ont disparu, n’existant plus que dans le souvenir des gens qui les avaient regardé à l’époque. Miami Vice (Deux flics à Miami) était une série à grand succès dans les années 80, diffusées de 1984 à 1989, pourtant vous n’en avez probablement jamais vu un épisode ni même un fragment du générique si vous êtes nés dans ces années-là. Pourtant, en 1984 sortaient Indiana Jones 2, Ghostbusters, Gremlins ou encore Karate Kid. L’année d’après, Retour vers le futur, Les Goonies ou encore Rocky 4. 1986 voit l’arrivée de Top Gun et Aliens (le deuxième) et 1987 le lancement de la quadrilogie culte des L’arme fatale. En 1988 sortent entre autres Qui veut la peau de Roger Rabbit, le premier Die Hard, Rambo 3 ou encore Jumeaux avec Schwarzenegger et Danny DeVito. Enfin en 1989, Indiana Jones 3, L’arme fatale 2, Retour vers le futur 2, Batman avec Val Kilmer et Jack Nicholson ou encore Le cercle des poètes disparus. Si vous êtes ici, vous avez sûrement déjà vu certains de ces films, tous sortis pendant les 5 ans pendant lesquels Miami Vice était diffusé. Si vous êtes un tant soit peu cinéphile, vous considérez même sûrement certains de ces films comme des œuvres cultes, si pas pour elles-mêmes, au moins pour ce qu’elles ont représenté à leur époque. Des cours de cinéma entiers sont donnés à tort et à travers en s’appuyant sur certains de ces films, pourtant les séries contemporaines seront à peine mentionnées et souvent à peine abordées, si ce n’est pour s’en moquer parfois.

Pourtant dans le fond, les deux sont du cinéma. Et si on ne considère pas les séries comme du cinéma, alors que dire des courts métrages pourtant souvent présents lors des débuts de carrière de certains des grands réalisateurs ? Et en réalité, pour briser cette barrière, il faudrait une série dont l’impact égalerait celui des grosses productions du cinéma. Quelque chose qu’a failli faire Game of Thrones, qui avait tout le potentiel de s’inscrire dans la durée même après avoir cessé sa diffusion, tellement c’était un événement culturel d’une ampleur inédite. Mais il a suffi de la baisse de qualité des deux dernières saisons et du bâclage des derniers épisodes pour qu’un peu plus d’un an après, les subreddits soient en grande partie désertés, et que la série ayant raté son final ne reste presque qu’un mauvais souvenir dans la mémoire de ses fans. C’est dommage car la série répondait aux conditions citées précédemment. Peu importe que vous la regardiez assidûment ou distraitement, ou même que vous la regardiez du tout, vous connaissiez et saviez plus ou moins de quoi il s’agissait. Un collègue m’avait une fois dit “une histoire avec de l’inceste, des chevaliers, des dragons et encore de l’inceste“ alors qu’il n’avait jamais regardé un seul épisode, et même le plus déconnecté des quidams connaissait le “Winter is coming“. Avec les épisodes des dernières saisons tendant en plus vers une formule à mi-chemin avec des épisodes d’une heure et demie, on était à ça du succès comme dirait le directeur Krennic de Rogue One. On était si proche. Mais non, maintenant Game of Thrones a rejoint les hordes de séries oubliées, les gens qui s’étaient tatoués un blason prennent rendez-vous pour le faire recouvrir par autre chose et les news au sujet d’autres séries se passant dans l’univers de Westeros nous rappellent une distante déception, sans plus.
Alors en attendant la prochaine série qui se paiera un budget, des effets et la qualité propre au cinéma des blockbusters, on attendra en regardant des séries dont les acteurs sont à pleurer, dont les effets spéciaux n’ont rien à envier à Jurassic Park 1 ou alors même encore quelqu’un qui croira inventer une histoire avec une jeune fille à part qui découvre qu’elle a des super pouvoirs et devra apprendre à les maîtriser. Encore quelqu’un qui croira inventer X-Men quoi.
Ou alors on profitera tout simplement des séries actuelles en sachant que d’ici 10 ans elles seront oubliées, et que d’ici 20 ans elles seront même carrément introuvables. Alors regardons, profitons tant qu’elles sont là, et essayons de leur garder plus de place que d’habitude dans notre mémoire.
Comments